Le contrôle féminin de la bière au sein du palais de Mari.
Mari figure parmi les plus anciennes cités mésopotamiennes. Au milieu du 3ème millénaire, sa prospérité se compare à celle d'Ebla plus à l’ouest. La ville occupe sur le moyen-Euphrate une position régionale stratégique. La ville et le territoire qu’elle contrôle sont un nœud commercial des échanges entre le Nord syrien et le sud mésopotamien. C’est aussi une position militaire forte. Quand Mari devient, au 18ème siècle, capitale d'un royaume à l'histoire mouvementée, elle domine avec Terqa, l'étroite bande fertile du Moyen Euphrate. Intégrée un temps dans le royaume de Haute Mésopotamie, la ville est reconquise en 1774 par Zimrî-Lîm (r. 1775-1761), qui retrouve ainsi le trône de ses pères ou de ses oncles.
Cette vue artistique montre que la ville de Mari dépendait étroitement de l'Euphrate pour l'irrigation de son territoire agricole et sa défense militaire. Elle n'était pas construite dans le lit inondable du fleuve, mais en surplomb sur sa rive sud (Artiste Balage Balogh ©).
La ville est pillée en 1761 par les troupes du roi Hammurabi de Babylone (1792-1750), et son palais détruit deux ans plus tard. Avec Mari disparaît un royaume tampon entre les populations amorrites restées à l'Ouest de l'actuelle Syrie (Amurru désignent « ceux de l'Ouest ») et leurs congénères venus s'installer quelques siècles plus tôt en Babylonie par vagues successives, migration qui bouscula puis anéantit l'empire d'Ur III (2112-2004). Le célèbre et puissant roi Hammurabi de Babylone est lui-même de souche amorrite[1].
Dans la résidence royale de Mari, deux circuits alimentaires coexistent au sein du palais, du moins pour les boissons fermentées. Le premier circuit fournit le roi et son entourage en bière de qualité (alappânu), le second brasse et distribue les bières ordinaires destinées au personnel du palais. Cette spécialisation est conforme à la hiérarchie sociale et au fonctionnement d'un palais proche-oriental à cette époque. Elle reflète aussi une organisation spatiale du complexe palatial : la famille royale et ses proches habitent ses quartiers réservés au premier étage. De cette façon, les boissons fermentées réservées au roi sont protégées du risque d’empoisonnement. La bière que boit le roi est contrôlée de bout en bout par un personnel féminin dont la fidélité est assurée.
Cette structure sociale de la brasserie (bière supérieure vs bière ordinaire), se double d'une seconde spécialisation en fonction du sexe cette fois. La bière des repas royaux bue dans l'enceinte du palais est affaire de femmes : brasseuses, intendantes, échansonnes. A l'extérieur de son enceinte, des hommes exerçant le métier de brasseurs dans la ville prennent en charge la production de bière destinée au reste du personnel palatial, c'est-à-dire l’immense majorité de sa population. Elle reçoit du palais son pain et sa bière sous forme de rations. Il faut en outre mentionner les brasseuses et brasseurs qui fabriquent et vendent librement de la bièreen ville au reste de la population qui ne dépend pas directement du palais.
L'inestimable contribution des archives de Mari, faisant ressurgir ces circonstances détaillées, met un peu de chair sur les habituelles et squelettiques listes de rations. L'organisation générale de la brasserie apparaît plus complexe qu'on pouvait le croire. Les différentes techniques de brassage, les circuits de distribution et de contrôle de la bière, les modalités sociales de sa consommation dressent un tableau d'ensemble extraordinairement riche. Chaque morceau de ce vaste puzzle est expliqué ci-dessous et dans la section suivante (Les brasseurs dans la ville de Mari).
Les brasseuses de bière alappânu du palais de Mari.
Qui brasse la bière-alappânu ?
Comme tous les palais du proche-orient il y a 4000 ans, celui de Mari possède une intendance très organisée pour les produits alimentaires : bureau des grains, bureau des viandes, bureau de l'huile, … Le bureau des grains prend en charge la brasserie, qu'elle soit interne ou extérieure au palais. De précieux documents font état de matériel livré aux brasseuses de alappânu (ša alappânu). Elles reçoivent des récipients pour conserver et transvaser la bière finie, accompagnés d'ustensiles comme des paniers, des corbeilles de joncs servant probablement de filtres, et des roseaux pour mélanger, siphonner les liquides ou servir de combustible[2].
Plus intéressant, une tablette (ARMT XII n° 743 rev. 13' à 18') indique que le palais fournit aux brasseuses de bière-alappânu « 4 sacs de 240 litres, 4 cuves de fermentation de 180 litres, 6 cuves de brassage, 20 jarres namharu de 60 litres, 40 cruches à boire » (4 šuramu ša 2 kùr, 4 namzītum ša 1½ kùr, 6 narṭabu, 20 namḫaru ša 1 ban, 40 maškiratum ?, ana ša alapanim). Ces récipients forment un ensemble technique homogène correspondant aux principales étapes du brassage. Par ailleurs, la capacité globale de chaque catégorie de récipients est cohérente : 4 sacs šuramu pour ingrédients (total 960 l), 6 cuves de brassage narṭàbu (6 * 120 = 720 l, capacité non fournie par le texte, déduite des cuves de fermentation, 720 l/6), 4 cuves de fermentation namzītu (4 * 180 = 720 l), 20 jarres namḫaru (20 * 60 = 1200 l), 40 cruches à boire maškiratu (capacité non donnée, 10 à 15 litres selon d'autres documents du palais de Mari). Une autre tablette de la même archive (ARMT 742) liste des paniers (pisannu), des roseaux pour mélanger (qan AS-bum), et des corbeilles (qan AG-maru) pour humidifier les grains en vue de leur maltage, matériel destiné aux brasseuses de bière-alappânu.
L'ensemble des cuves et récipients évoque une unité de brassage de 720 litres pour laquelle le volume cumulé des 4 cuves de fermentation tient lieu de capacité limite pour un brassin si on utilise simultanément tout le matériel de brassage fourni. Cette unité destinée aux brasseuses de bière-alappânu peut produire 600 litres de bière-alappânu chaque jour si les 6 cuves de brassage et les 4 cuves de fermentation sont utilisées en parallèle avec des temps de saccharification et de fermentation de 24h[3]. C'est l'hypothèse la moins réaliste : cycle de brassage trop court pour une bière de qualité supérieure. L'autre hypothèse postule un cycle complet de 4 jours (1 jour de brassage-saccharification, 3 jours de fermentation) pour disposer tous les jours d'un brassin achevé et de 150 litres de bière-alappânu bien fermentée. Ceci implique que 3 cuves de brassage soient utilisées pour produire le moût destinée à remplir une seule cuve de fermentation. 3 cuves de brassage narṭabu (3x100 l vol. utile) permettent de saccharifier 300 l de maische qui, après filtration des drêches, fournissent 3x50 l de moût.
C'est l'hypothèse que nous retenons (schéma infra).
Qui boit la bière alappânu ?
Le stockage des jarres de bière dans le cellier palatial montre qu'on sait conserver la bière-alappânu. Un brassin quotidien de 150 litres nécessite 3 jarres-namḫaru pour stocker la bière, s'il n'y a aucune perte ou au contraire aucune dilution. Les 20 jarres-namḫaru assurent une rotation d'environ 6 jours entre les cuves de fermentation et la table royale, sous réserve d'une consommation uniforme de bière.
Les registres de personnel du palais indiquent que 6 brasseuses de bière-alappânu opèrent simultanément. Cet effectif est à rapprocher des 6 cuves de brassage (narṭabu ) reçues par cette équipe de brasseuses ! On ne connaît pas précisement leurs tâches : mouture des grains et concassage du malt, chauffage de l'eau, brassage de la maische, cuisson, filtration, fermentation, etc. Brassage et sutout fermentation requièrent une surveillance 24h/24h, donc des équipes qui se relaient.
Cette capacité de brassage excède les 10 litres de bière alappânu fournis en moyenne pour les seuls repas du roi que documentent les tablettes comptables du palais. Une founriture de bière alappânu dix fois supérieure et plus couvre la consommation de l'entourage royal, sa famille et ses messagers, au-delà du cercle royal étroit.
Le ratio orge/bière 3:1 marque la qualité supérieure de la bière-alappânu [3]. Si le palais de Mari suit les structures de distribution de diverses qualités de bières pratiquées par les palais voisins de Chagar Bazar/Ashnakkum(?) et Šubat-Enlil (bassin du Khabur, env. 200 km au nord), cette bière est réservée, au-delà de la table royale, au personnel d'un rang élevé, proche du roi et de son administration centrale. On doit y adjoindre le cercle de la Reine. L'extension du privilège qui touche, on l'a vu, les émissaires des cours étrangères, expliquerait la différence entre la moyenne consommée lors des repas du roi (10-20 l) et la capacité quotidienne de brassage de cette bière (600 l). La surproduction de bière-alappânu n'est qu'apparente.
On affecte une brasseuse de bière-alappânu nommée Eriša au service de la reine Šîbtu. La bière-alappânu est aussi consommée dans la Maison de l'Epouse. Elle possède à Mari sa propre demeure où se déroulent les repas de la reine (l'Epouse, sous-entendu la première). Au royaume de Mari et dans toute la Djéziré, les épouses royales possèdent leur "maison" et ne viennent que périodiquement habiter leurs appartements réservés dans le palais. Ces résidences possèdent leur propre organisation, même si une partie des moyens est octroyée par le palais, comme le montre l'affectation d'une brasseuse de bière-alappânu à la Maison de l'Epouse inscrite sur les comptes du palais. La Maison de l'Epouse produit donc sa propre bière-alappânu. Il est probable qu’on y brasse également les autres bières (bière-himru et bière ordinaire du personnel). Comme on le verra plus loin, les maisons des dignitaires brassent également leur bière sur place.
Attestée pour les règnes de Yasmah-Addu et Zimrî-Lîm, soit pendant plus de 20 ans, cette production de bière au sein des palais et des résidences royales est une activité stable. Les brasseuses font partie du personnel palatial permanent. Elles bénéficient des rations d'huile du personnel féminin, comme les cuisinières, boulangères, puiseuses d'eau, intendantes, nourrices, enseignantes, femmes-scribes, musiciennes, concubines et chambrières[4]. On brasse la alappânu dans d'autres villes, quand le roi y donne ses repas. A Suprum, on en compte 690 litres pour une journée[5]. Ceci suppose un transport de bière ou, plus probablement, les moyens de la produire sur place. Ce qui implique que certaines brasseuses spécialisées dans la confection de alappânu devaient suivre le roi dans ses déplacements.
Les brasseuses de bière-ḫimru.
Les brasseuses du palais se rattachent au service de préparation des grains[6]. Une cinquantaine de femmes y travaillent : économes et intendantes, spécialistes de la bière, du pain ou des bouillies, personnel auxiliaire (meunières, puiseuses d'eau). Les brasseuses recensées sont 3 spécialistes de la bière-ḫimru et 8 spécialistes de la bière-alappânu.
Au palais, on consomme aussi la bière-ḫimru et la bière ordinaire. La première est l'affaire des brasseuses au sein du palais, la seconde des brasseurs opérant à l'extérieur. Parmi nos 3 brasseuses de bière-ḫimru, Elissa, est mentionnée dans quelques documents pour des réceptions de récipients et d'orge[7], en compagnie d'un certain Šarrum-bâšti préposé à la confection de pains spéciaux. Brasseuse et boulanger travaillent en proximité, sinon de concert. Le boulanger confectionne des pains levés (emṣu ) gonflés avec les ferments de bière. On ne sait malheureusement rien de plus sur le travail et la condition de ces 3 brasseuses de bière-ḫimru.
Faute de grandes tablettes annuelles d'affectation des céréales, on ne peut estimer la proportion de grains réservée aux ateliers de brassage. Chaque année, les gestionnaires estiment dans chaque palais les dépenses courantes de grains pour les mettre sous la surveillance de leurs administrateurs après les récoltes. Trois postes sont définis : la consommation de la famille royale et de ses réceptions, les rations du personnel essentiellement féminin résidant dans le palais (env. 300 personnes) et l'alimentation des animaux, enfin les semences réservées pour la prochaine moisson de céréales. Au palais de Mari, ces trois postes totalisent 3.600 hl de grain par an[8]. Une part significative sera affectée à la fabrication des bières ḫimru et alappânu, dans une proportion hélas non chiffrable faute de récapitlatifs des allocations de bière au personnel palatial féminin.
Echansonne et distribution contrôlée de la bière au sein du palais.
Les tablettes sont heureusement plus prolixes sur la façon dont le palais contrôle la consommation de bière.
Une femme importante, Ama-duga, dirige du temps de Yasmah-Addu la population féminine du palais[9]. Elle reçoit à ce titre 300 litres de grains pour le pain et 840 litres de grains pour la bière supérieure, là où d'autres femmes ne perçoivent respectivement que 90 et 45 litres[10]. On ne trouve plus claire illustration des valeurs sociales véhiculées et renforcées par le système des rations alimentaires. Ama-duga ne perçoit pas tout ce grain pour sa consommation personnelle ; elle en redistribue une partie à celles qui dépendent d’elle. Sa qualité de bénéficiaire officiellement désignée pour recevoir les grains renforce son pouvoir au sein du personnel palatial.
Notez les proportions de grains fournis pour le pain et la bière. 45 litres de grains mis en rapport avec les 90 litres pour le pain (pris comme référence d'une ration de grain) donnent un ratio de brassage = 2:1, le ratio de la bière ordinaire. Mais pour la bière de qualité supérieure, les rations d'Ama-duga sont inversées : 840 litres de grains pour la bière et 300 litres pour le pain signifie un rapport de brassage = 2,8, qui correspond à celui d'une bière supérieure.
A la même époque, l'échansonne Abî-Lammassî figure sur la liste des femmes vivant au palais. Quel est son rôle ? Je cite J.-M. Durand : « L'échansonne devait présider à la distribution des boissons et aussi à ce que l'on en fasse usage avec décence » [11]. A l'intérieur du palais, il existe au moins un circuit pour lequel production, circulation et consommation des diverses sortes de bière sont de bout en bout contrôlées par des femmes. 1 super-intendante, des meunières, 8 brasseuses de bière-alappânu, 3 brasseuses de bière-ḫimru, 1 échansonne sont les maillons féminins d'une chaîne qui sert et encadre la population palatiale en majorité féminine. Le palais abrite aussi ses musiciennes, ses danseuses et toute une troupe dédiée aux divertissements.
Un personnel presque exclusivement féminin est chargé du traitement des grains pour alimenter la table royale et ses hôtes. Bière-alappânu, pains, bouillies et pâtisseries de toutes sortes composent les menus. L'hospitalité du roi se mesure à sa générosité, à l'abondance de ses repas, à la qualité de ce qu'il offre. On a retrouvé des moules de cuisine en terre cuite (à gâteaux ?), témoignages de préparations sophistiquées. Lappânu désigne le goût doux-amer des grenades et des dattes dans les listes lexicales mésopotamiennes, indice d'une possible aromatisation de la bière du même nom[12]. Une de ces listes désigne le blé-amidonnier comme base de la bière-alappânu.
Celle-ci serait une boisson fermentée différenciée à l'extrême : aromatisée, forte (ratio grain:bière = 3:1), brassée par des femmes, socialement connotée et affectée au palais, bue dans un contexte politique (banquet, réception diplomatique) ou ritualisé (repas du roi, de la reine, mariage royal). La bière alappânu concentre et matérialise les fonctions socio-politiques les plus élevées du monde nord-mésopotamien de la fin du second millénaire. Si on voulait lui trouver une bière à l'opposé de ces valeurs, il faudrait penser à la bière des éleveurs de moutons, vivant sous la tente au milieu des animaux, loin des villes, organisés en tribus et nomadisant dans des espaces ouverts, troquant lait, viande et laine contre des céréales pour cuire des galettes et brasser de la bière, quand ils le peuvent. Buveurs d'eau et de lait, ils sont aussi buveurs occasionnels de bière, un type de bière qui ne peut être brassé avec les récipients sophistiqués typiques d'un atelier de brassage palatial (Bière et agro-pasteurs du Nord de la Mésopotamie).
Après les allocations de bière aux femmes de haut rang, les mentions concernant l'humble personnel féminin du palais sont rares. Certaines situations exceptionnelles soulèvent cependant le voile. La reine écrit à Zimrî-Lîm au sujet d'une malade condamnée : « Pour l'heure, je l'ai fait habiter dans les bâtiments neufs. Elle prend sa bière et son pain séparément. » [13]. L'expression prendre sa bière et son pain image le repas tout en désignant une réalité concrète. Cette servante boit de la bière ordinaire. Quelle que soit leur condition, les femmes du palais se nourrissent de pain et boivent de la bière, suivant en cela une règle de vie générale. La bière en question est peut-être la bière-ḫimru.
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Une image d'ensemble se dessine peu à peu. Les allocations de bières obéissent à une stricte codification qui rappelle son rang à à chaque membre du personnel féminin du palais. Les sortes de bière et la spécialisation de leur production (brasseuses de bière-alappânu et de bière-ḫimru ne sont pas confondues dans les listes de personnel) n'ont d'autre but que de matérialiser aux yeux de tou(te)s la hiérarchie sociale en vigueur. La circulation de la bière et ses usages sont contrôlés par des femmes, du moins dans l'enceinte palatiale. Sans en connaître tous les détails, on suppose qu'il existe au coeur du palais des circuits, des espaces et des lieux de vie réservées aux femmes. Le contrôle qu'elles exercent concerne la production et la consommation de bière, et peut-être celles d'autres produits alimentaires.
La bière alappânu y est réservée aux plus nobles usages : repas du roi, de la reine, de leur entourage, rituels et sacrifices funéraires. La bière-ḫimru est destinée au reste de la population palatiale. Dans les deux cas, la brasserie palatiale s'adapte aux traits culturels de la région : repas du roi et entretien en circuit fermé de sa population féminine. Elle se conforme au fonctionnement des palais de l'époque, fréquentés en réalité par une infime fraction de la population : ses résidents, l'élite politico-religieuse liée au roi, quelques artisans et spécialistes employés par le palais et, occasionnellement, les convives des banquets. L'accès des bâtiments reste interdit à l'ensemble de la communauté urbaine qui vit autour.
La présence des brasseuses de bière alappânu au sein du palais reflètent d'anciennes caractéristiques mésopotamiennes. On connaît le rôle important joué par les femmes dans la confection et la vente de la bière au 3ème millénaire. Les brasseuses de Zimrî-Lîm héritent d'une longe tradition tout en restant une belle exception. A notre connaissance, les autres palais mésopotamiens du second millénaire font travailler des brasseurs pour fournir les qualités de bière destinées à l'entourage royal.
[1] Il a fait graver des jugements royaux sur des stèles, compilation baptisée abusivement « Code Hammurabi ». Ce n'est pas un Code dans son sens moderne, mais une simple liste de cas et de décisions particulières rendues par l'autorité royale de Babylone. Quatre de ces jugements concernent soit les brasseuses-tavernières, soit la fréquentation des tavernes à bière interdites aux nadiatum, jeunes filles vouées à un temple et sa divinité, Shamash en l'occurence.
[2] Maurice Birot 1964, Archives Royales de Mari, Textes (ARMT) XII. Tab. n° 740, 742, 743, 744.
[3] 720 * 5/6, car ces cuves ne peuvent être remplies à ras bord pendant la fermentation. La capacité exacte des récipients de brassage est connue grâce à d'autres comptes de livraisons de poteries, pour Mari ou d'autres royaumes mésopotamiens.
[4] Maurice Birot 1956, Textes économiques de Mari Tablette C, Revue d'Assyriologie 50, 57-72. Tablettes 57-59; 59 note 4.
[5] Madeleine Lurton Burke 1965, ARMT XI. Tab n° 8.
[6] Niele Ziegler 1999, Le Harem de Zimrî-Lîm, NABU Mémoires 102-103. "service de préparation des grains" plutôt que "cuisine" qui renvoie à toutes sortes d'aliments solides et carnés. Ce service ne regroupe que des brasseuses, boulangères, pâtissières et meunières. Durand, 1997 : 72 indique qu'il existe aussi des "repas de la reine", dans un contexte qui ne permet pas d'affirmer qu'ils sont permanents.
[7] Madeleine Lurton Burke 1965, ARMT XI : n° 262. Maurice Birot ARMT XII : n° 203, 691-693.
[8] Jean-Marie Durand 1997, Documents Epistolaires de Mari T. I (LAPO) p. 379.
[9] Le palais possède ses propres réserves de grains. Il rentre dans ses prérogatives de servir d'entrepôt gardé. Un certain Ilu-kân supervise les préparations alimentaires à base de grains, rare personnage masculin parmi une intendance dominée par des femmes.
[10] Jean-Marie Durand 1985, Les Dames du palais de Mari à l'époque du royaume de Haute Mésopotamie, MARI 4 Annales de Recherches Interdisciplinaires, p. 408. Le parallèle entre ration et statut social est un lieu commun accepté des assyriologues. Nous soulignons ici l'une de ses expressions les plus frappantes : la distribution des bières. La quantité de grains pour la "bière supérieure" (KAŠ SIG5) est presque 3 fois celle du pain. Ceci confirmerait que la bière supérieure se situe, comme la bière-alappânu, dans un ratio de 3:1. Si on suppose que le volume de grains accordé à Ama-duga fournit à part égale son pain et sa bière, et qu'il n'y a pas ici une simple coïncidence des chiffres.
[11] Jean-Marie Durand 1985, ibid. pp 394-395. Une échansonne travaille pour la maison royale d'Isin et perçoit de la bière-double KAŠ-tab-ba (Ferwerda 1983, Contribution to the Early Isin Archive, 40-41).
[12] Chicago Assyrian Dictionary (CAD) A 335.
[13] Jean-Marie Durand 2000, Documents Epistolaires de Mari T. III (LAPO) p. 344.