Brasser plus vite, conserver plus longtemps, devise d'un brasseur du 19e siècle.

 

 

La brasserie industrielle européenne est au 19ème siècle écartelée entre deux contraintes en apparence contradictoires :

 

  1. Brasser une bière qui doit être vendue et bue le plus vite possible pour ne pas immobiliser les stocks et le capital. Il n'est pas nécessaire que la bière se conserve longtemps.
  2. Vendre la bière le plus loin possible pour gagner des clients et vaincre ses concurrents. La bière voyage, passe alors de main en main, stockée chez des intermédiaires. Elle doit se préserver le plus longtemps possible.

 

Dans un premier temps, les débouchés urbains pour vendre la bière dans une zone proche de la brasserie s'appuient sur le techniques de brassage héritées du 18ème siècle : utiliser des malts brunis, renforcer la teneur en alcool, houblonner fortement le moût, favoriser les variétés de houblons riches en résines aseptisantes, clarifier drastiquement la bière avant de la transporter et de la vendre.

Dans un deuxième temps, les brasseurs doivent adopter de nouvelles méthodes. Règles d'hygiène, contrôle des températures, emploi de produits chimiques efficaces, nouveau plan d'aménagement et de construction des brasseries, notamment le plan vertical qui cloisonne les activités tout en faisant mieux circuler les matières et les fluides. Cette révolution silencieuse des méthodes industrielles est à l'initiative des brasseurs.

L'aspect spectaculaire des nouveaux procédés scientifiques ne doit pas cacher cette profonde évolution du métier qui doit plus aux ouvriers et aux ingénieurs, qu'aux savants. Quand le laboratoire, le microscope et les tests chimiques s'installent dans les brasseries à la fin du 19ème siècle, ces méthodes analytiques sont efficaces parce que les installations qui contrôlent la totalité du schéma de brassage ont été améliorées au fil du temps par des ingénieurs, des brasseurs et des hommes de la pratique, plutôt que par les savants.

Sans sous-estimer l'impact des travaux théoriques et de leurs applications techniques, il faut rappeler que les forces économiques ont joué un rôle majeur dans l'évolution de la brasserie. Nous avons évoqué les brevets déposés par Louis Pasteur. Ils décrivaient de nouvelles installations techniques pour améliorer la fermentation de la bière. Ce fut un échec. Les dispositifs techniques imaginés par le grand savant ne furent jamais adoptés par les brasseurs, pour des raisons pratiques. Les ponts jetés entre le laboratoire et la brasserie industrielle ne pouvaient pas exclure le savoir-penser et le savoir-faire des ingénieurs et des brasseurs.

 

 >

 

06/06/2014  Christian Berger