La brasserie industrielle au 20ème siècle.
Au 20ème siècle, les profondes transformations de la brasserie annoncées et partiellement réalisées au siècle précédent s'accomplissent presque totalement en Europe occidentale et aux Etats-Unis :
- Disparition du brassage domestique, avec passage par des succédanés
- Disparition rapide du brasseur-tavernier et du fermier-malteur-brasseur
- Concentration capitalistique de l'industrie de la malterie-brasserie devenue filière agro-alimentaire
- Diminution drastique du nombre de brasseries dans chaque pays après la 1ère guerre mondiale
- Poids économique croissant de la distribution : stocker, transporter, vendre plus loin
- Fiscalisation complète de toutes les activités liées aux boissons fermentées
- Promulgation de législations nationales plus ou moins protectionnistes
- Définitions fiscales reductrice de la bière, de sa composition et de sa fabication
- Extinction des spécialités locales et régionales devenues "hors-la-loi"
- Classification des bières réglementées exclusivement selon leur degré d'alcool
- Contrôle sanitaire de la bière qui doit être sans défaut (sans goût également)
- La bière est une boisson disponible toute l'année et de qualité identique
- La bière devient objet de publicité commerciale. Son image se stéréotype et se féminise.
Ce tableau doit être nuancé. Les pays d'Europe orientale ne suivent pas des évolutions identiques. En Russie par exemple, le brassage domestique du kvas coexiste avec le secteur industriel. Dans certains pays, les procédés industriels s'emparent des spécialités brassicoles traditionnelles sans les transformer en profondeur.
Au milieu du 20ème siècle, l'industrie de la bière modifie complètement sa stratégie dans les empires coloniaux. Au lieu d'exporter, à grands frais et grands risques des cargaisons de bière, la technologie permet de construire des brasseries sur place. C'est le début d'un vaste mouvement de production de bières à la façon européenne (orge, malt, houblon, etc.), mais estampillées comme des "bières nationales", étiquetées avec des marques commerciales locales et vendues dans chaque pays colonisé. Ces bières "nationales" africaines, indiennes, asiatiques ou sud-américaines rentrent en concurrence avec les bières traditionnelles autochtones. La publicité qui les accompagnent reprend les arguments rôdés en Europe : seule la bière industrielle est saine, agréable à boire, signe de modernité et d'un statut social élevé. A contrario, la bière "indigène" est malsaine, arrièrée, signe d'un passé culturel révolu, réservée aux pauvres paysans incultes des villages.