L'empire des Incas, 1438-1533 (Amérique du Sud).
L’ empire des Incas, fondé vers 1400 [1], s’allonge à son apogée sur près de 4 000 km, suivant les contours de la Cordillère andine depuis la Colombie jusqu’au Chili. L’Inca principal (sapa Inca) le dirige depuis Cuzco. Son autorité s’appuie sur des incas et chefs locaux (inca = seigneur en quechua. L’empire est divisé en quatre régions (suyu) supervisées par un apu membre de la famille royale : deux régions « élevées » le Chinchay suyu et le Qulla suyu respectivement au nord et au sud, deux régions « basses » Anti suyu et le Kunti suyu respectivement à l’est et à l’ouest. L’empire se nomme en quechua Tawantin suyu, litt. « quatre régions ».
Ces 4 suyu(s) sont à leur tour subdivisés selon les territoires et les frontières traditionnelles des anciens royaumes soumis par les Incas ou devenus tributaires de l'Empire. Un découpage impérial global (4 régions) se superpose donc aux frontières ethniques et politiques des anciens royaumes. Ce maillage territorial très dense permet aux Incas de contrôler un empire immense et très étiré le long du Pacifique, montagneux et fractionné en vallées autonomes, regroupant des écosystèmes très hétérogènes, depuis les jungles tropicales de Colombie jusqu'aux déserts froids du Chili. Le contrôle impérial, à la fois politique et militaire, repose sur une logistique remarquable. Un vaste réseau de routes, de chemins, de greniers et de postes-relais permet aux messagers impériaux et aux armées de se déplacer rapidement d'un bout à l'autre de la Cordillère, depuis son centre névralgique de Cuzco. Nous le verrons, messagers et soldats boivent et se nourrissent grâce aux greniers de maïs construits et approvisionnés par les populations locales le long des routes militaires de l'empire.
Les Incas poursuivent la politique régionale forte et centralisatrice des royaumes jumeaux Wari-Tiwanaku. Grands bâtisseurs de cités et de sanctuaires, les Huari ont modelé les paysages de la Colombie actuelle, créant de vastes terrasses agricoles, des systèmes d’irrigation et des vallées aménagées. Plus au sud, la culture Tiwanaku (Tihuanaco) centrée sur le lac Titicaca a elle-même réussit à fédérer de nombreux peuples au sein d'une organisation régionale forte. Telle est la situation géopolitique déjà très structurée dont héritent les futurs Incas. Ils ne dirigent au départ qu'un très modeste clan de quelques familles installées dans la vallée de Cuzco après avoir quitté la cité de Tihuanaco vers 1400. Les conquêtes, la soumission des chefferies et des peuples voisins, ne débutent qu'en 1438, après la victoire de Pachacutec sur les Chancas. C'est l'acte fondateur de l'empire raconté par ceux qui vont se nommer eux-mêmes Incas ("Seigneurs").
Nous ne développons ici que trois aspects de la gestion impériale inca :
- les communications à travers un territoire impérial très étendu et la fourniture de bière aux messagers.
- les grands rites collectifs célébrés à Cuzco et la bière de maïs.
- le savoir-faire des brasseuses, base indispensable des multiples rôles joués par la bière au sein de l'empire et après sa chute.
Ces trois aperçus expliquent le rôle matériel et politique de la brasserie au sein de l'empire Inca. Ils mettent aussi en lumière les diverses sortes de bière de maïs. Ces bières et leurs techniques de brassage appartiennent à une tradition brassicole andine à la fois très riche et très ancienne.
[1] Il faut distinguer la Civilisation inca et l'Empire des Incas, organisation politique fondée en 1438 par une modeste fédération de chefferies vivant dans la vallée de Cuzco. Cette organisation est déclarée officiellement abolie par Pizarro et la Couronne d'Espagne après l'exécution de l'Inca Atahualpa en 1533. La civilisation inca a bâti un vaste empire. Elle a inventé, amélioré et propagé de nombreuses techniques et traits culturels. Mais elle est également l'héritière des cultures et des technologies apportées par les peuples et les royaumes que les Incas intègrent dans leur empire. Certains de ces traits culturels perdurent après la chute de l'empire.