Resultat de votre parcours [1 article]
La naissance de la brasserie en Afrique
La naissance de la brasserie sur l'ensemble du continent africain reste mystérieuse. Il ne fait pas de doute que le bassin du Nil a fonctionné à une époque très reculée comme un couloir orienté sud-nord. Les hommes, les techniques et les biens matériels n'ont cessé de le parcourir. Le Nil a très tôt connecté des régions africaines très éloignés, principalement les hautes terres de l'Ouganda, du Kenya et de Tanzanie avec la vallée soudanaise. La vallée du Nil a servi de pont entre le monde africain et celui du Proche-Orient.
Buveurs/buveuses.
Gravure rupestre du Tassili n'Ajjer.
Cet axe nilotique a joué un rôle important pour la brasserie africaine dans sa partie orientale. Le plus ancien témoin d'une production de bière remonte au prédynastique de Haute-Egypte (-3500 à Hierakonpolis). Mais peut-on considérer la région soudano-égyptienne comme l'unique bassin brassicole d'Afrique ?
La domestication de certains mils et riz africains et leur propagation d'ouest en est suggèrent un autre bassin africain plus occidental, centré sur le haut bassin du Niger.
Tassili-n’Ajjer : scène de troupeau.
Entre 6000 et 4000 ans, le climat de l'Afrique sahélienne était plus humide. Le Sahara n'était pas une barrière désertique hostile aux migrations entre le Nord et le Sud du continent, mais un territoire arrosé et constellé d'oasis fertiles.
Les massifs désertiques et rocheux du Ténéré et du Tassili-n’Ajjer (Sud-Sahara algérien) et de l'Aïr (Nord Niger) regorgent de vestiges d'animaux herbivores qu'on rencontre maintenant plus au sud (girafe, éléphants, hippopotames, buffles, antilope, etc.). Ces massifs désertiques rocheux n'ont pas été recouverts par les sables.
La lente désertification de la région commence au 3ème millénaire. Elle modifie en profondeur les modes de vie et le type des sociétés capables de vivre en milieu aride. Les communications entre l'Afrique du Nord et le bassin du Niger sont rendues plus difficiles. Si l'interprétation scientifique des gravures rupestres de cette époque est correcte, il semble que ces sociétés soient devenues plus guerrières (figurations rupestres de chars, armes et combats).
La raréfaction des ressources et les migrations de populations expliqueraient ces confrontations violentes. Les cultures humaines et les paysages antérieurs au 3ème millénaire sont si bouleversés qu'il faut beaucoup d'efforts au voyageur moderne pour imaginer une région verdoyante, giboyeuse, couverte de graminées sauvages.
Messak, gravure rupestre : traite avec outres et jarres
Vers -2500, les populations de ces régions inventent la céramique et les broyeurs en pierre. Certains récipients de cette période néolithique contenaient encore des céréales.
La conservation des grains et des liquides alimentaires est avérée par des gravures de mats pour suspendre outres et récipients à Messak (voir illustration à droite).
Une peinture rupestre représente des palmiers-dattiers, source éventuelle de vin de dattes. La seule présence du palmier-dattier indique un climat humide, ou du moins des sources d'eau abondante.
La figuration de troupeaux est un autre indice d'une activité humaine tournée vers l'élevage et requérant des pâturages abondants. On peut penser que les conditions étaient réunies pour voir émerger des sociétés humaines suffisamment sédentarisées pour produire et boire des boissons fermentées.
Tassili-peinture rupestre : palmiers-dattiers
D'autres montrent des scènes de boisson aspirée avec une sorte de paille ou chalumeau. Ces scènes ont été comparées à la façon traditionnelle de boire collectivement la bière adoptée par certains peuples d’Afrique orientale. Plusieurs milliers d’années d’évolution sociale et historiques séparent ces deux époques et rendent un tel rapprochement abusif. Une comparaison plus pertinente évoquerait la bière bue au chalumeau dans la Mésopotamie contemporaine du 3ème et 2ème millénaire avant notre ère.
Mais il est présomptueux de nommer ces boissons (vin de datte, bière de céréales, hydromel, lait fermenté ?), ni même de croire qu'elles ont nécessairement subies une fermentation alcoolique. Parmi les peuples pasteurs, le lait et l’hydromel prédominent.
De surcroît, l'hypothèse des bières de mils, de sorgho ou d'éleusine (céréales domestiquées dans cette région de l'Afrique [1]) reste fragile. Nous ne disposons d’aucune analyse chimique des résidus imprégnés dans les poteries que les archéologues ont retrouvées dans la région.
Par ailleurs, la domestication des mils est difficile à prouver. Contrairement aux blés ou aux orges, les modifications morphologiques des variétés domestiqués sont faibles. Il sera difficile de différencier une action volontaire humaine de brassage d'une fermentation accidentelle. Seul un contexte archéologique riche en activité humaine fera la différence.
El-Medaforh (Tefedest). Scène de boisson au chalumeau.
ILLUSTRATIONS |
Jean-Loïc Le Quellec 1998, Art rupestre et préhistoire du Sahara. Le Messak Lybien. Ed. Payot. |
Yves et Christine Gauthier 1996, L'Art du Sahara. Coll. "Arts Rupestres", Seuil. |
Tassili-n’Ajjer : scène de boisson avec chalumeau
[1] Eleusine (Eleusine coracana), teff (Eragrostis tef) et durra (Sorghum bicolor) sont originaires d’Afrique orientale (haut-plateaux éthiopiens). Mais l’éleusine possède un second foyer de domestication dans le bassin du Niger.