Godin Tepe au Proche-Orient (3500-3100 av. n. ère).
Sur le site de Godin Tepe (nord des monts Zagros à la frontière irano-irakienne, vallée de Kangavar, province de Kermanshah), un tesson de jarre a révélé la présence d'ions d'oxalate de calcium dans les résidus jaunâtres de ses rainures. Cette signature de la fermentation alcoolique, associée aux grains d'orge carbonisés découverts dans la même pièce, démontre sans ambiguïté la destination de cette jarre datée de 3500-3100 av. n. ère : une jarre à bière[1].
Les bâtiments et pièces regroupés autour d'un espace central et ceints de murs curvilignes évoquent une petite citadelle ou un comptoir isolé de la ville basse dans la vallée. Le matériel récolté à l'intérieur de ce périmètre protégé s'apparente aux cultures de Basse-Mésopotamie et de Susiane, alors que dans le reste de la ville, il est d'inspiration locale. La pièce 18 renfermait, à côté de la jarre à bière et des grains d'orge, presque 2000 petites pierres sphériques manifestement destinées aux calculs ou aux échanges. Les relations économiques et politiques des populations de la vallée et de ceux qui habitaient le site font l'objet de recherches et débats nombreux[2].
Etabli sur l'une des routes joignant la plaine mésopotamienne au plateau iranien via la vallée de Kangavar, Godin Tepe abritait une colonie marchande ou une élite locale influencée par les cultures méridionales de Sumer et de Susiane. L'expansion de cette culture dite urukéenne[3] commence entre -4000 et -3800.
Le tesson qui portait des traces d'oxalate de calcium, un marqueur de la fermentation alcoolique des infusions à base de grains (amidon) a permis pour la première fois de déterminer la présence de bière dans un contexte archéologique ancien. Le laboratoire de McGovern (MASCA) a ainsi prouvé en 1991 que ses méthodes et ses analyses pouvaient rendre de grands services aux archéologues qui jusqu'alors supputaient la fonction des récipients d'après leurs formes ou le contexte des fouilles, avec des interprétations parfois divergentes. Cette détection de la bière avait été précédée et encouragée par des analyses réussies de jarres de vin, sur le site même de Godin tepe et d'autres sites archéologiques du Moyen-orient. Ce premier succès sera suivi de plusieurs autres, notamment en Chine. Chaque fois, les analyses vont repousser la date d'émergence des premiers brassins de bière jusqu'à atteindre, à ce jour, une ancienneté de 13.000 ans à Raqefet (ancienne Jordanie-Palestine).
[1] McGovern et al. 1996, Neolithic resinated wine; Nature 381, 480–481. McGovern & Badler 1992, Chemical evidence for ancient beer; Nature 360, 24. McGovern & Badler 1993, The First Wine and Beer: Chemical Detection of Ancient Fermented Beverages; Analytical Chemistry 65: 408A-413A. McGovern Barley Beer.
[2] Mitchell S. Rothman (2013), Interpreting the role of Godin Tepe in the “Uruk expansion”, in ANCIENT IRAN AND ITS NEIGHBOURS, Cameron A. Petrie (ed.).
academia.edu/16714190/Interpreting_the_Role_of_Godin_Tepe_in_the_Uruk_expansion_
[3] D'après la cité sumérienne éponyme d'Uruk qui deviendra au 3ème millénaire le plus grand centre urbain du monde.