Europe et culture campaniforme (2800-1900 av. n. ère).

 

 

Ces premières bières datées sur un sol européen de la fin du second millénaire ont ruiné l’hypothèse d'une transmission des techniques de brassage aux peuples européens depuis le Proche-Orient par le truchement du monde gréco-romain de l'antiquité classique. La bière est née sur le sol européen à une date beaucoup plus ancienne, il y a 7500 ans selon les dernières découvertes faites en Suisse et en Allemagne (Europe néolithique).

Les peuples celtiques, germaniques et nordiques étaient de grands buveurs de bière, mais leur histoire ne débute qu'au milieu du 1er millénaire. Le site de Hallstatt en Autriche (période Hallstatt B, 1100-800) est contemporain du site de Genó en Catalogne. Il a livré des tombes à char avec des services à boisson probablement destinés à la bière ou quelque boisson mixte à base de grains. Malheureusement, aucune analyse chimique des poteries n'a été faite.

 

En 1929, des traces d'hydromel, de grains et de baies sont analysées à l'interieur d'un baquet d'écorce de bouleau déposé dans la tombe d'une jeune fille de 16-18 ans. Elle vivait à l'âge du  bronze à Egtved, Danemark vers -1370, selon la dendochronologie du bois de la tombe (Thomsen 1929). Le botaniste B. Gram identifie la présence d'airelles et de canneberges, des grains de blé, des restes de myrthe des tourbières et une série de pollen de tilleul et autres plantes. La boisson est une combinaison de bière, de vin de fruits avec addition de miel (Koch 2003, 129).

Les poteries typiques des cultures campaniformes[1] — coupes/vases en forme de cloches renversées — ont depuis été interprétées comme des coupes à boire de boissons fermentées combinées : mélange bière-hydromel-vin[2]. La diffusion rapide de ces coupes typiques à travers toute l'Europe serait liée à la consommation collective de boissons alcooliques, à des rituels de boisson.

Genó en Catalogne et Hallstatt en Autriche confirment que les techniques brassicoles prospèrent en Europe au sein de sociétés hiérarchisées et fortement agraires. La bière y sert de marqueur social puissant à la fois pour les vivants et pour les morts (rites funéraires des chefs guerriers de Hallstatt, cimetière de Genó). Les analyses de pollens associés aux poteries campaniformes dans les sites archéologiques des routes d'Europe atlantique montrent que la taille moyenne des grains des orges cultivées augmente. Les échanges liés à la production et à la consommation de bière pourraient expliquer ce phénomène.

Les sites de Genó, Ciempozuelos, Hallstatt ou Egtved sont encore trop tardifs pour suivre la transition européenne vers le néolithique qui s'est déjà opérée presque 3 millénaires plus tôt selon les régions. L'enquête sur l'origine de la brasserie en Europe doit remonter aux peuples des 4ème et 3ème millénaires, contemporains et porteurs des premières techniques agricoles. L'Europe n'est pas un foyer primaire de domestication pour les principales plantes amylacées de brasserie (à l'exception de l'avoine domestiquée en Europe centrale et orientale), ce qui implique sans doute un schéma particulier pour la naissance de la brasserie.

Le lien entre l'émergence de la brasserie et la naissance de l'agriculture se voit néanmoins renforcé en Europe, même si nous sommes loin d'en percer tous les mécanismes.

 

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[1] Bell-Beaker Culture en anglais, Glockenbecherkultur en allemand. Voir fr.wikipedia.org/wiki/Culture_campaniforme

[2] Sherratt A. G. 1987, Cups that cheered. The Introduction of Alcohol to Prehistoric Europe. In Waldren & Kennard (eds) Bell Beakers of the Western Mediterrranan. Definition, Interpretation, Theory and New Site Data. The Oxford International Conference 1986, 81-114. Sherratt 1991.

06/09/2018  Christian Berger