15.10.2016

 

Malt et bière, remèdes au scorbut des marins en Europe.

 

Etude de 58 pages sur les rôles du malt et de la bière dans la lutte contre le scorbut des marins depuis le 15ème siècle et les premières grandes navigations transocéaniques européennes .

  •   Une ancienne technique antiscorbutique oubliée des Européens.
  •   Les navigations transocéaniques depuis le 15ème siècle.
  •   Les vertus du malt redécouvertes par MacBride et Cook.
  •   Un savoir chinois inconnu des Européens.
  •   L’explication scientifique des vertus de l’infusion de malt.
  •   Le retour du scorbut dans les tranchées en 1918.

 

Ch. BERGER. Malt et bière, remèdes au scorbut des marins en Europe. 

 

Résumé.

Le scorbut a fait des ravages parmi les marins européens depuis le début des grandes navigations transocéaniques au 14ème siècle. Un remède préventif était connu des Vikings dès le 9ème siècle : le malt embarqué sur leurs bateaux et son infusion préparée à bord.

Quatre siècles se sont écoulés avant que des essais tâtonnants conduisent les marines européennes à tester l’infusion fraîche de malt en parallèle des jus d’agrumes. Entre temps, plusieurs millions de marins de toute nationalité ont péri ou sont devenus invalides à cause du scorbut.

Cette face sombre des Grandes Découvertes est rarement étudiée. Elle met en évidence la politique sacrificielle des autorités européennes menée pour coloniser le monde au-delà des océans à partir du 14ème siècle et généraliser la guerre maritime à outrance sur les mers du globe à partir du 18ème siècle. La santé des marins recrutés souvent de force parmi les plus pauvres ne préoccupe pas les autorités navales. Les corps jetés par-dessus bord rendent invisible ce fléau des mers. Les officiers nourris de produits frais meurent rarement du scorbut.

L’Angleterre, première puissance maritime du monde, fait tester tour à tour la bière, le malt, les jus d’agrumes, les produits frais, la choucroute contre le scorbut. En 1793, elle mondialise sa politique des blocus maritimes et doit alors se soucier de la santé des équipages de sa marine de guerre qui assurent ces blocus. En 1796, l’amirauté tranche contre l’infusion de malt en faveur des jus d’agrumes. La distribution de jus de citron frais ou concentré devient obligatoire à bord de ses escadres. En 1815, le scorbut au sein de la marine de guerre anglaise a presque disparu. Cette mesure préventive s’avère efficace.

A la fin du 19ème siècle, le scorbut sévit toujours parmi les flottes marchandes anglaises et celles des autres pays européens. La distribution quotidienne des jus de citron n’est pas systématique ou ces jus sont frelatés.

L’histoire européenne des remèdes contre le scorbut contraste avec son versant asiatique. Depuis des siècles, les flottes chinoises embarquent des produits frais, font germer des haricots et d’autres grains à bord, et brassent leurs bières traditionnelles à base de ferments amylolytiques, des antiscorbutiques efficaces.

Au 20ème siècle, les ravages du scorbut diminuent grâce aux progrès techniques de la navigation : voyages plus rapides donc plus courts, ravitaillements plus fréquents, cales réfrigérées de produits frais, etc. En 1933, la synthèse chimique de l’acide ascorbique est réalisée. Le règne commercial de la vitamine C commence. Les anciens remèdes antiscorbutiques comme le malt ou le jus de citron sont peu à peu abandonnés par les marins, sauf lors des expéditions arctiques ou antarctiques.

 

James Lind expérimente le citron et l’orange contre le scorbut. Robert Thom, Collection du Service de santé de l’université du Michigan.
James Lind expérimente le citron et l’orange contre le scorbut. Robert Thom, Collection du Service de santé de l’université du Michigan.
Aquarelle illustrant les symptômes du scorbut, par le chirurgien de marine Henry W. Mahon. The National Archives (UK) - 1841.
Aquarelle illustrant les symptômes du scorbut, par le chirurgien de marine Henry W. Mahon. The National Archives (UK) - 1841.
Allsopp's Arctic Ale Advertising in the 19th Century.
Publicité pour l'Arctic Ale brassée par Allsopp au 19ème siècle.