Article 1 sur 2 Le brassage du dolo à Ségou (Mali)

Les dolotières de Ségou au Mali.

Ségou au MaliCet article doit beaucoup à Alexandre Magot et son blog d'un français au Mali « Dans un cabaret de dolo »
alesk.canalblog.com

 

Le Mali : pays africain riche d’une grande histoire culturelle multi-ethnique, doté depuis le 16ème siècle de structures politiques proprement africaines : un pouvoir politique centralisé héréditaire détenu par le clan d’une ethnie majoritaire soumettant d’autres ethnies vassales au sein d’une confédération contrôlant un vaste territoire. Le royaume bambara de Ségou en est un exemple.

Ségou au Mali : une ville africaine très ancienne sur les bords du Niger.  Son passé prestigieux en fait l’égale de Tombouctou situé en aval sur le fleuve, ou de Djénné. C’est à l’origine une ville-marché de pêcheurs, les Bozos. Vers 1712, Biton Mamary Coulibaly fonde une petite principauté ayant pour centre Ségou. Entre 1712 et 1755, il structure les tons en véritable armée de métier composée de volontaires, les tondjons (serviteurs du ton[1]) qui incorpore les captifs de guerre et les fermiers incapables de payer l’impôt obligatoire sur le dolo. Les limites du royaume s’étendent alors sur les deux rives du Niger, entre Bamako et Tombouctou. Tout ces évènements sont relatés dans l’Epopée bambara de Ségou.

Le dolo : une bière traditionnelle de sorgho (gros mil) ou de petit mil ayant de multiples fonctions[2]. C’est d’abord une bière locale à usage quotidien, une bière brassée pour les festivités et les réjouissances collectives, une boisson diplomatique servie durant les négociations politiques et les cérémonies organisées par les palais. C’est aussi une boisson d’offrande aux ancêtres et aux esprits protecteurs. Cette bière a également servi à payer un impôt en nature aux détenteurs du pouvoir du royaume bambara de Ségou entre 1712 et 1861, date de la victoire de El Hadj Oumar Tall sur ce royaume.

Les dolotières : les femmes qui brassent le dolo dans leur concession et vendent la bière sur place. Spécialistes du brassage de la bière, ces femmes en maîtrisent la fabrication selon un processus élaboré qui dure une semaine et plus. C’est de nos jours une source de revenu pour leur famille, un statut social qui leur assure une certaine indépendance, et une responsabilité non dénuée de risques pour tout ce qui touche aux boissons alcooliques.

Dans les villes comme Ségou, il faut chercher le quartier catholique – en l’occurrence le quartier Mission, situé derrière la cathédrale –, pour pouvoir goûter le dolo.

Pas moins de quatorze cabarets s’y côtoient. A l’origine, ce sont les Bobos qui ont apporté la technique de fabrication du dolo. Ils tiennent la plupart des enseignes, même si la pratique s’étend aujourd’hui à des familles bambaras.

Il s’agit donc surtout d’une affaire de catholiques, mais aussi et exclusivement d’une affaire de femmes : les dolotières.

Les stocks de bois qui s’entassent devant les portes de certaines concessions et le va-et-vient des gens qui entrent et sortent des lieux trahissent une activité peu ordinaire ...

Approchez-vous et entrez voir : vous voici au cœur d’un monde haut en couleur où les canaris bouillonnent, où les femmes s’activent en palabrant, et où les hommes, lourdement assis, font tourner les calebasses de main en main… : bienvenue dans un cabaret de dolo !

 

Brassage du dolo à Ségou (Mali), bois de chauffe au porte de la concession (Cl. Alexandre Magot) Dolotière cuvée hebdomadaire de bière de mil (le dolo), quartier de la Mission à Ségou (Mali) (Cl. Alexandre Magot) Cabaret de dolo à Ségou (Cl. Alexandre Magot)
Brassage du dolo à Ségou (Mali), bois de chauffe au porte de la concession (Cl. Alexandre Magot) Dolotière cuvée hebdomadaire de bière de mil (le dolo), quartier de la Mission à Ségou (Mali) (Cl. Alexandre Magot) Cabaret de dolo à Ségou (Mali) (Cl. Alexandre Magot)

 


[1] A l’origine, le ton est une classe d’âge masculine dédiée à la protection du clan et dédiée à la guerre au sein d’une société bambara essentiellement composée d’agriculteurs et de pêcheurs. Avec la formation des premiers royaumes dans le Mali du 16ème siècle, les tons s’affranchissent de leur appartenance sociale pour créer des groupes de guerriers multi-ethniques au service d’un projet de domination politique à l’échelle régionale. Comme les Mamelouks en Egypte, leur pouvoir politique grandissant dicte parfois sa loi aux dynasties régnantes.

[2] dolo est un terme générique désignant diverses sortes de bière traditionnelles de mil ou sorgho au Mali, Burkina Faso et ouest du Niger. Plus au sud et à l'ouest, près de l'Atlantique, les noms génériques désignant des bières traditionnelles diffèrent (). Mais dans cette partie de l’Afrique subsahélienne, chaque peuple africain, chaque ethnie désigne sa bière ou ses propres bières dans sa propre langue. Le mot dòlò = bière semble provenir anciennement des langues Mande, adopté par les langues voisines. Cet emprunt et cet usage linguistique élargi a un rapport avec les profonds bouleversements politiques connus par les peuples du bassin du Niger depuis le 15ème siècle. Au 19ème siècle, la colonisation européenne a favorisé l’usage de vocabulaires trans-ethniques ou de créoles africains. Dolo a fini par désigner pour les colons et pour les Africains de la région la bière traditionnelle en opposition à la bière industrielle européenne alors importée en bouteilles.

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