Du mabi des Amérindiens à la bière des esclavesArticle 14 sur 16 Rejet du Mabi devenu boisson d'indigène 19e–20e

Le Mabi devient une boisson de seconde catégorie (18è siècle).

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Les femmes amérindiennes sont employées par les colons pour préparer les cassaves et la bière de manioc. Elles restent plus expertes dans ce domaine que les esclaves noirs ou les créoles qui ne savent pas bien détoxiquer la pulpe de manioc ou cuire les cassaves[1].

Le manioc est devenu l'un des produits de base de l'alimentation des premiers Européens. Les colons durent apprendre comment traiter la racine, enlever l'acide prussique et la transformer en aliment comestible, l'une des contributions les plus durables des Amérindiens à la culture des îles. Ligon note que les femmes esclaves indiennes "qui sont plus expertes à traiter le manioc et en faire du pain que les noires que nous employons à cette fin." Sur ce sujet comme sur d'autres, la description de Ligon offre plus de détails que celles de ses contemporains :

« [les Indiens] lavent l'extérieur de la racine, la nettoient et la posent contre une roue, dont la sole est d'environ un pied large, et recouvert d'une tôle rendue rugueuse comme une grande râpe. La roue se tourne avec le pied, comme un coutelier tourne sa roue. Et ce qui est râpé  de la racine tombe dans une grande cuvette, qui sert de récepteur conçu à cet effet. . . [Le manioc râpé] mis dans un morceau de toile forte double, ou un sac est fortement pressé de sorte que tout le jus soit exprimé, qui est ensuite ouvert au-dessus d'un chiffon et séché au soleil; il est prêt à faire du pain. »

A la Martinique, les Amérindiens ont disparu du paysage au début du 18ème siècle. On continue de brasser le maby. La boisson est devenue celle des esclaves noirs et des créoles. L'économie de l'île repose exclusivement sur le travail des esclaves.

« Leurs boissons ordinaires est composée de patates dont j'ay parlé ci-devant, qu'ils font bouillir avec du sirop de sucre; ils lui donnent le nom de Mabi, & ils l'appellent Ouicou quand avec la patate et le sucre, ils y ajoutent de la cassave qu'ils font bouillir ensemble. »

Ils ont une espèce d'eau de vie qu'ils composent de suc de canne & de sirop de sucre. Ils l'appellent Tafia ou Guildive, elle est presque aussi forte que l'eau de vie, & il n'y a guère que les Nègres qui en usent. » (Gautier Du Tronchoy 1709, 66)[2]

Au sujet des esclaves noirs, l'auteur précise la façon de traiter le manioc amer, méthode transmise par les femmes amérindiennes :

« ces racines qui servent de pain à une grosse partie de l'Amérique, sont grosses & longues comme des carottes; on les égruge sur des rapes faites exprès, et on en fait de la farine en tirant entièrement le jus, qui est le poison du monde le plus subtil, & qu'on a soin de faire écouler dans des lieux souterrains de peur que les bestiaux n'en boivent; la plupart des Nègres mangent cette farine, qu'ils font cuire sur des platines de fer destinées à cet usage; » (Gautier Du Tronchoy 1709, 44).

 


[1] Handler Jerome S. 1970, Aspects of Amerindian Ethnography in 17th Century Barbados, Caribbean Studies Vol. 9, N° 4, p. 201.  jeromehandler.org

[2] Gauthier Du Tronchoy, Journal de la campagne des isles de l'Amérique qu'a fait M. D..., la prise et possession de l'isle Saint-Christophe, ... la manière de vivre des sauvages, leurs moeurs, leur police et leur religion ..., 1709. gallica.bnf.fr

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